Graisse neuronale qui t’empêche d’aimer, fatuité de la pensée raisonnante qui fait de chaque excitation une palpitation glauque, comme préméditée. Ne pas aimer. Ne pas pouvoir aimer. Traverser la ville à cent à l’heure et sous cet abri bus l’image floue d’un couple qui s’embrasse. L’éclat de rire d’une femme au loin dans la rue, une nuit d’été charbonneuse. Des mains qui se nouent devant une boutique pour enfants, des épaules qui se tiennent en souriant le samedi matin au marché.
Conneries.
L’amour, c’est juste fait pour qu’on n’ait pas trop peur du jour où on bavera avec l’âme soeur de concert sur la pelouse en plastique d’un asile de vieux. L’amour est un moyen de reproduction cérébralisé, une façon d’avoir des manières charmantes, de ne pas trop se sentir animal, tout en s’astiquant frénétiquement. L’amour est une arnaque. Une illusion. Un pis-aller. Tout au plus, une rêverie romantique. Toute femme au-dessus de trente ans a envie d’un enfant parce que ses hormones le lui dicte. Tout homme, aussi moral soit-il – la bonne blague – finit par mater la voisine parce que ses hormones le lui dictent. Les femmes rêvent d’avoir un homme qui puisse tout leur donner, les hommes rêvent de toutes les femmes qui pourraient leur donner une seule chose.
Entre deux, on met l’amour, comme une pub pendant la mi-temps. L’amour est une canette de bière au savant grimage d’être toujours pleine.
Mais il y a ce couple qui s’enlace dans la nuit zébrée de lampadaires sous l’abri bus. Et cette femme qui saute de joie en le voyant descendre du train. Et ce bonheur, quelle que soit sa durée, sa vérité, son fondement, son but même, ce bonheur-là est vrai l’espace de cet instant.
L’amour est un instant.
Une mélodie sur une scène, un accord de guitare, des pupilles brillantes.
C’est aussi un réflexe pavlovien face à l’idée de forniquer, et, éventuellement, se reproduire. Elle mouille, je bande, c’est ok. (en passant, OK vient d’un général britannique analphabète qui signait toutes ses condamnations avec OK, signifiant dans son esprit atteint par le whisky : OLL KORRECT)
L’amour est une mise en scène religieuse séculaire.
Les illuminés vous le diront : des chiottes pleines de merde peuvent évoquer l’amour le plus profond, le plus humain, pour « celui-qui-sait-voir ». N’empêche, c’est toujours des chiottes pleines de merde.
Et il y a ce mec qu’elle matte depuis des semaines le même soir, au même bar, avec le même sourire. Quelle drôle de rêverie, cette réalité déguisée par l’amour.
Mais c’est plus vrai, plus consistant, plus puissant, que le crétin cynique qui disserte en ricanant de ne plus savoir aimer.
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