Manifeste d’un pendulaire Lausanne – Genève : Alexandre

Il est monté à Paris pour gagner. Il avait économisé ses sous durant de longues années passées dans la pénombre grasse des machineries d’usines. Auprès de ces grands vitraux de hangars dont la lumière est blafarde, fade. Il a peiné et sué, précis et entêté, enterrant le quotidien sous sa vision si proche de la capitale illuminée, pour économiser et monter à Paris. Entrer dans une école de cinéma. Il l’a fait. Il a réussi. Paris fantasmatique, noeud d’ambitions grandioses changées en fortunes escarpées ou en mollusques. Se pavaner dans les bars branchés, effleurer ces beaux visages, et puis ce bouillonnement invraisemblable d’ambitions auquel sont sensibles tous ceux qui sont là pour aller plus loin et pour réussir mieux et pour. Et pour. Deux ans plus tard il n’avait plus rien. Il squattait son appartement parce qu’une loi bieveillante empêchait son propriétaire de le virer durant l’hiver. Et au printemps il dormait dans tout ce qui lui restait: une vieille Renault du temps des usines, montée par une de ces machines qu’il avait lui-même lubrifiée. Il dormait dans un parking, mais dans le parking d’un supermarché parisien, oui Madame. Parisien. Alexandre ne pouvait plus exister ailleurs. Je l’ai perdu de vue à cette époque, puisqu’alors je quittais la ville de tous les rêves pour aller m’enfermer dans un grenier suisse. Mais Alexandre est resté. Il ne peut pas quitter le rêve. Tant d’autres avant lui n’ont pas pu quitter le rêve et tant d’autres après lui ne pourront pas le quitter. Il y a ces images lisses de ceux qui ont peiné pour sourir finalement et qui brillent dans les kiosques des boulevards la nuit. Le ronronnement des affichages glissant sur un loft flou où une femme presque nue devant un écran plat immense sourit aux ambitieux. Alexandre et l’ambition. Forcément: le Grand. Mais il a passé l’âge de ces gamineries. Mais il y a toujours quelque chose de complètement enfantin à vouloir briller tout en supportant la vie. Dans sa voiture il écoute la radio et de grands personnages lui sussurent leurs idées et leurs existences. Ils ne sont pas loin, à quelques avenues du parking où il s’endort, couvrant les vitres de buée froide et de rêves.


Ce texte n’engage que son auteur et ne prétend en rien être exhaustif ou représentatif de quiconque. Il s’agit d’un instantané subjectif, d’une représentation parcellaire et momentanée, ayant pour but l’esquisse littéraire d’un personnage fictif autour d’une personne existante. En aucun cas ce texte n’a pour prétention ou objectif le viol de la vie privée ou la description unilatérale d’une personne existante. A considérer avec précautions, tel un tabloïde de seconde catégorie.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Calcul *Captcha loading…