E01

J’ai enfoncé l’ordre de mission dans une poche et suis retourné dans le corridor sans savoir vraiment où j’allais. Un officier a hésité un instant en me croisant puis il m’a salué dans une grimace sensée être souriante, ses yeux écarquillés sous l’effet du cumul des drogues. D’un geste sec je lui intimé l’ordre de me rendre son arme et il a obtempéré en se mettant à pleurer. J’ai posé une main sur son épaule.
« Ça va aller soldat. On sera bientôt arrivés. On va bientôt rentrer… »
Il a glissé contre la paroi boisée jusqu’au sol en hoquetant, gamin drogué, perdu, qui n’avait sans doute plus aucun endroit où rentrer.
Dans les corridors les soldats paniqués se croisaient en tout sens, pendant que dans les recoins d’autres rechargeaient nerveusement leurs armes, persuadés d’être assaillis par une horde de Dormeurs mutants.
« Ils nous attaquent, ils nous attaquent, défendez-vous! », hurlait un major hilare. Il a attrapé le col de mon veston et dans mes yeux inquiets compris la supercherie. Avant qu’il ne trouve son arme j’ai appuyé nerveusement sur la gâchette sans même prendre le temps de viser et la balle lui a transpercé la cuisse. Il s’est effondré en hurlant mais le coup de feu a fait bondir un groupe de soldats. Ils s’apprêtaient à me tirer dessus quand une porte étanche a laissé se déverser la foule hystérique.
Les fusils-mitrailleurs et les corridors possèdent une connivence naturelle qui tend au carnage. En fuyant j’entendais les crépitements derrière moi faire tomber un à un les inconnus que je précédais et mon tour approchait alors que le couloir était trop long. Je me suis retourné pendant qu’ils rechargeaient: il ne restait que cinq femmes et hommes frénétiques qui m’ont bousculé; le reste de la foule jonchait le sol gémissant, parfois tentant de se relever, pataugeant dans le sang, la plupart inertes. Les canons se sont redressés vers moi quand une porte s’est ouverte, on m’a attrapé par l’épaule et attiré à l’intérieur de la cabine, les canons ont à nouveau craché mais la porte s’est refermée avec le loquet.
Marguerite le visage maculé de sang m’a dévisagé, écarquillée d’étonnement.
« Il fallait que ce soit toi que je sauve », a-t-elle vociféré pendant que les salves se rapprochaient.

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