L’autre vendredi devant le supermarché il faisait beau et un chien la
gueule ouverte et en érection attendait son maître, dis
ce sexe rosâtre gouttant sur le trottoir hors de son feutre de poils
pendant qu’un papi l’observait en mâchouillant son délice au salami
sous le soleil matinal j’ai cru qu’il existait comme une connivence
entre ces deux éléments
mais je ne m’en souviens pas très bien
je me délite petit à petit je faiblis, dis
mon corps me démange et dans la tête c’est un peu comme si j’exagérais
sans rien faire
je crois avoir atteint un niveau impressionnant de conscience de ma réalité
Après cela bien sûr il me faut agir, dis
pour exister il faut que je fasse quelque chose
envisagerait-on de vraiment refuser une obligation si brutale que les
chose s’arrangeraient autour de moi
elles glisseraient lentement les unes contre les autres
sans que je me rende compte que mon inaction elle-même est une
monstrueuse action
vous en subissez les conséquences, m’a dit madame Carriero en faisant
claquer la languette de mon dossier
comme elle aurait fait claquer sa langue en gommant un autre chômeur
de son administration personnelle
comme le paradis artificiel est tentant après un mois, dis
avec tout ce qui ne se passe pas autour de moi
sauf que j’ai une masse et que je suis immobile sur un draps tendu par
les autres
elle de son côté ne peut plus vivre avec moi parce qu’on ne peut pas
vivre avec rien
avec rien, de rien ou sans rien d’autre, et moi je m’amuse en
pirouettant avec le rien
si au moins le fait de danser pour soi-même avait un sens social
je suis ce gars qui joue au loto tous les jours sans valider son billet
ou un contrôleur dans un train vide paralysé au milieu d’un tunnel
si faible que je suis devenu allergique au pollen, dis
j’éternue sans arrêt, une plaque de boutons me démange constamment sur
l’épaule gauche
mais inlassablement je continue à enfourcher ma bicyclette et à
grimper de la gare à l’église
de l’église à la gare
et vers l’église un autre jour sur deux
celle qui s’amuse tout en-haut de sa colline à regarder le cosmos
défiler an après an
et une fois là-haut je fais des appui-faciaux, des abdos, je soulève et ahane
sans même un regard pour le bruissement des feuilles
j’ai vu une vidéo accélérée d’un tilleul millénaire et les nuits et
les jours montaient et descendaient sur lui
à la même vitesse que des voitures sur une autoroute
j’ahane
23 mai 2008
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