Le soir approche sous les pinèdes de l’hôtel qui découpent l’horizon entre mer et autre chose de bleu au-dessus, je devrais être entouré de monde car c’est trop beau et quand c’est beau il y a du monde qui prend des photos et des téléphone qui notifient mais il n’y a personne, qu’au loin le son cotonneux d’enfants se jetant dans une piscine et la brise légère de l’absence de l’activité des hommes, où même les oiseaux se taisent, parfois là parfois ailleurs je suis liquide dans la terre et terre dans le liquide et la solitude est belle; quand elle est arrivée, comme son incarnation, et me demande si elle peut s’asseoir à ma table, et sans attendre de réponse elle s’assied et sérieuse elle avale deux gorgées de mon vin avant de sourire au vent et d’arrêter de sourire en observant dans le vague les pins hachurant ciel et mer, je pense que je devrais parler mais je ne dis rien, elle est là et puis-je y croire?, ses cheveux aussi noirs que ses yeux et ses yeux aussi noirs que ses sourcils et ses sourcils aussi noirs que ses cils et ses cils aussi noirs que le pli de ses lèvres, alors je ne dis rien, quand elle me regarde elle pourrait dire quelque chose, elle le dit presque, sans doute cela m’aurait ébloui, mais elle ne dit rien, et je tremble dans ce monde intérieur de la solitude, silences à deux tout n’est-il pas déjà dit?, et puis, alors que je pensais voir un fantasme, elle me dit lentement, en tournant mon verre dans sa main, qu’elle pensait avoir oublié le bonheur et que maintenant, maintenant, elle a insisté, elle le retrouve maintenant, et nos regards, jusqu’alors croisés, se sont vraiment figés l’un dans l’autre, et je croyais être seul avant, mais la mer a disparu, le son cotonneux des enfants dans la piscine a disparu, les pinèdes ont soudain brûlé, la mer libre a coulé dans le ciel, ou peut-être le ciel a coulé dans la mer, l’iris noir de son regard a pris ma solitude et l’a plongée dans les étoiles parce qu’elles uniquement comprennent, parce qu’uniquement leur lumière lointaine est là et n’est plus là, sous les pinèdes j’ai tournoyé un moment dans le vent, et quand elle s’est levée j’étais encore plus seul mais je ne l’étais plus.
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