Le porc est un animal de compagnie
Que nous retrouvons ce jour-ci alangui
Dans un supermarché derrière son caddy.
Et c’est un bon gros porc de la pire espèce,
Sans coup férir il sortait d’une courte messe
Son cou fait rire aussi, d’une graisse épaisse
Il avait tressauté dehors, sans laisse ni liesse.
Trop réjoui, grognant à l’idée de l’embrasser,
Au figuré! Du regard et du groin il ne va pas nier
Entre les rayons son joli cul rond de biche égarée
Lui procure des frissons, de double crème brûlée.
Et pour la première fois, il l’invite dans son antre,
La chienne accepte, considérant les plis de son ventre
D’un désir tout huileux, et ensemble ils rentrent
Chienne en chaleur et gros porc à sa rencontre.
Sur le trottoir serpentant sous le soleil printanier il rit,
Il s’esclaffe et se dandine, elle minaude, un peu polie
Dans sa robe au vent, entre le bitume et ses lacis
La biche se tend, effrayée par cette subite folie.
Le rût eut lieu malgré elle près de la poubelle,
De la cuisine du gros soulevant son ventre et la forçant
Nous entendons depuis la rue des passants roucoulant
Les hurlements de joie d’un homme truie soudain.
Et les cris de dégoût qui, ô ironie!, semblent de joie,
D’une biche hermine gémissant de ne pas
La toucher, alors il y ajoute goulûment le trépas
Traversant d’une lame prévue pour les noix
Sa gorge offerte et langoureuse de suceuse de bonheur,
Et il se sent jubiler, changé en dragon fouetteur,
Yeux hirsutes et graisse tremblotante, c’est la bonne heure
Pour se tendre au ciel et battre ses ailes en sueur.
Plumes tachetées du sang de l’innocente au caddy,
Le porc perd son sexe arraché par elle, dernier défi
Il s’envole doucement, quittant lentement les cris
Et les vagues de sang sur son carrelage décrépi.
Essoufflé par tant de vie, tantôt démon, tantôt ange,
Le ciel l’accueille, sans louange
Dans la longue file des gros porcs
Sans clameur, sans remord, sans nuages
L’ange-cochon, “C’est un ange!”, disait sa voisine
Il ne la mettra plus nulle part, sa petite pine.
Poème proposé au concours de poésie “Retour à l’état sauvage, un animal dans la peau” du Printemps de la Poésie 2024.
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