Reclu à l’intérieur de mon pessimisme et de ma mélancolie quotidiens, parfois je vois défiler entre les chewing-gums sur le trottoir, les yeux d’Antoinette. Je les vois qui me sourient, confiants et lumineux, noisettes pétillantes à l’assaut de l’existence, et ils me donnent envie d’un peu plus respirer les matins bleu pâle de septembre 2007. La vie l’a jetée parterre, soulevée par le cou à bras portant, et jetée contre des murs en béton, et encore, la vie, inlassable, a tenté de l’étrangler. Sa paume immense, qui ne voit pas, qui n’entend pas et qui ne sent rien, lui a écrasé la poitrine, le visage, le corps entier. Un jeu, un simple jeu parmi d’autres continuant à marcher comme si la vie était naturellement gentille et fluviale. Pendant qu’Antoinette hurlait. Dans son sourire, je revois l’immense contentement, l’indéniable paix, d’être revenue de cet hurlement-là . Le mesquin en moi répliquerait: à chacun ses coups durs, on s’en sort comme on peut, pas la peine d’en faire une montagne. Mais justement le souvenir d’Antoinette règle en moi le volume du désespoir. Il me permet de rire de mes désarrois, ou au contraire d’éclater de colère quand il le faut. Elle me donne du courage aussi. Non à cause de la quantité de malheurs dont elle a su sortir, mais grâce à cette force liquide qui lui permet de s’élancer, de se tendre vers l’horizon comme une flèche parfaite, de se regrouper et d’exister presque avec férocité là même où elle se tenait auparavant, disloquée. De réussir à éclater de rire à la gueule de l’adversité, de tendre la main à la vie, encore et toujours. J’ai le droit bien sûr d’être triste ou las, mais jamais je ne me laisserai totalement abattre. Et Antoinette fait partie de ceux qui me donnent la main et me permettent de me redresser par la seule force du souvenir.
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Ce texte n’engage que son auteur et ne prétend en rien être exhaustif ou représentatif de quiconque. Il s’agit d’un instantané subjectif, d’une représentation parcellaire et momentanée, ayant pour but l’esquisse littéraire d’un personnage fictif autour d’une personne existante. En aucun cas ce texte n’a pour prétention ou objectif le viol de la vie privée ou la description unilatérale d’une personne existante. A considérer avec précautions, tel un tabloïde de seconde catégorie.
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