Je suis monté dans un bateau et ce bateau était vide. Mais j’ai eu l’impression qu’il était vide. En fait il était rempli de miasmes. D’un monde que je quittais. Il n’y pas de bateau vide, il y a seulement des bateaux qui partent en espérant retourner et ceux qui ne reviennent plus. Ce qui existe entre deux, entre le vide et l’espoir, tout le monde s’en fout. Dans cette cryogénique indifférence, la mer luxuriante d’écumes et grise de tout son vide en frappant la coque me comblait de cette certitude: il n’y a pas d’autre rapport entre les Hommes que ceux de leur utilité. Dans le fragment minuscule et parfois jovial qui reste, il y a peut-être l’amour, mais qui sait encore ce qu’il signifie?
J’ai quitté la terre en admirant le visage de l’amour se superposer, ricanant, aux montagnes floues disparaissant derrière le déchaînement quotidien des flots. Nathalie dormait à l’horizon et ricanait dans son sommeil artificiel.
Nous avons mis le cap vers une île inconnue en même temps que je décidai de ne plus jamais poser les pieds sur un continent stable.
On peut imaginer l’amour, quel que soit sa consistance, beaucoup lui donnent un sens, ils s’inventent une relation à l’autre pour s’aider à vivre moins seuls.
Tandis que la poudre violette défaisait le temps en même temps que moi: j’étais décousu par un temps qui ne me restait plus, un temps qui échappait à tous ceux qui comme moi en prenaient. Par exemple, mon lien à Nathalie, d’amour peut-être, avait été avalé par la disparition du temps offerte par la poudre. Sérieusement: je ne savais plus ce que le temps des autres voulait dire. J’étais camé, j’étais vidé du temps, parce que le temps était devenu ma drogue et, comme c’était merveilleux, j’en aspirais et avalais encore pour échapper à son dictat.
15 heures de moins, et 900 minutes, et 15 heures de moins, fait-il nuit, fait-il jour, peu importe.
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