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A01
La Violette ne prend pas beaucoup de temps pour agir. J’attends en général une minute avant de me réveiller 15 heures plus tard. Je sais que Nathalie disparaît après quelques secondes. Sur le web, personne n’explique clairement ces variations. La seule constante est le temps entre la disparition et le réveil: 15 heures, 900 minutes, 54’000 secondes. Avant d’en prendre, j’avais l’espoir d’être différent, d’être l’unique, celui qui interromprait enfin la logique implacable de la drogue. Mais comme tout le monde mon temps a disparu et je me suis réveillé 15 heures plus tard, sans aucune sensation de sommeil, sans aucun souvenir de rêves, sans me sentir reposé ou même d’avoir disparu un intervalle de temps. Je me suis juste réveillé 15 heures plus tard comme si j’avais cligné des yeux quelques secondes supplémentaires. D’ailleurs, contrairement à ce qui se dit, je ne crois pas qu’on puisse parler de réveil. C’est plutôt comme une réapparition dans le réel, un voyage dans le temps soudain et vide, propulsé 15 heures plus tard. Je ne sais pas trop ce que ça signifie, mais mon impression est que le temps est contracté par la Violette. A priori la drogue aurait un effet sur le tissu du temps lui-même. C’est ma théorie. En fait pour les autres j’ai dormi sans qu’il ne soit possible de me réveiller. Dans les hôpitaux ils ont assimilé l’état à un coma passager, comme un coma éthylique, sans pourtant ne trouver aucune trace de la drogue. Mais si l’activité cérébrale est celle d’un sommeil profond sans rêve, la réaction du cerveau aux stimulus extérieurs est nulle. Seuls le rythme cardiaque et la respiration sont maintenus, ainsi que tous les systèmes végétatifs. Comme tout le monde je crois, je me suis demandé si je mourais durant 15 heures. Nathalie m’a répété que c’est inutile de se poser cette question. Jusqu’au jour où ils ont débarqués dans l’appartement avec leurs masques de protection.